Pauvre île !
[ 17/03/09 ]
La situation était confuse, hier soir, à Madagascar où des tirs nourris ont retenti dans les bureaux de la présidence, dans le centre d'Antananarivo, peu après que des militaires y sont entrés en force et y aient déployé deux blindés. Le bâtiment avait été délaissé, peu auparavant, par le président Marc Ravalomanana, retranché dans un palais à 12 km du centre-ville, après que le chef de l'opposition, Andry Rajoelina, ait demandé aux forces de l'ordre de l'arrêter « sans retard ». Une partie de la garde présidentielle a fait défection et M. Rajoelina, maire d'Antananarivo, était entouré de militaires lors d'un meeting tenu hier soir devant plusieurs milliers de partisans place du 13-Mai, au centre de la capitale. La « ministre de la Justice » qu'il a nommée récemment a déclaré qu'un mandat d'arrêt pour « haute trahison » était lancé contre M. Ravalomanana et la majorité des forces de sécurité (armée, police, gendarmerie) semblait de facto soutenir le chef de l'opposition.
Mais l'Union européenne a mis en garde contre une prise du pouvoir par la force à Madagascar, soulignant qu'un chef d'Etat mis en place par la violence, contre la Constitution, ne serait pas « reconnu comme légitime ». « Et nous ferons la même chose que, par exemple, pour la Mauritanie » où un putsch a renversé en août dernier le président élu Sidi Ould Cheikh Abdallahi, a souligné la présidence tchèque de l'Union, en allusion à la suspension de l'aide européenne à la Mauritanie. Réunie d'urgence à Addis-Abeba, l'Union africaine s'est bornée à avertir l'opposition et l'armée qu'elle condamnerait toute prise illégale du pouvoir à Madagascar. « C'est le peuple qui donne le pouvoir et c'est le peuple qui le reprend. Le président Ravalomanana n'est plus capable de présider le pays », a répliqué hier le chef de l'opposition.
Plus d'une centaine de personnes sont mortes dans des violences à Madagascar depuis le début de la crise le 26 janvier. M. Rajoelina s'est fait le porte-voix des frustrations de nombreux Malgaches durement touchés par la hausse des prix. Il a également porté sur la place publique leur ressentiment contre M. Ravalomanana, décrit comme coupé de la population et affairiste. M. Ravalomanana s'était autoproclamé président de Madagascar en février 2002 à l'issue de plusieurs mois de crise politique consécutive à la contestation du premier tour de scrutin présidentiel, où il était arrivé en tête devant le président de l'époque, Didier Ratsiraka.